Texte extrait du compte-rendu de l'assemblée nationale des activités de montagne et d'escalade les 9-10 et 11 novembre 2019 à Ivry-sur-Seine.
intervention starter # Anne Mézard
Adhérente depuis 4 ans à la FSGT, ni présidente de club ni même dans un bureau faute de
temps, et mauvaise pratiquante (je ne dépasse pas le 5C en tête, et encore les bons jours), seule légitimité sans doute le fait que je suis juriste et fervente convaincue des valeurs
défendues par la FSGT, liberté responsabilité accessibilité et partage.
Liberté associative amplement utilisée par les clubs, présidence collégiale, grimper chez les voisins etc...) de même que l’accessibilité pour tous notamment les plus démunis cotisation
libre, accueil de sans papiers ou de jeunes défavorisés à Cimes 19 et ailleurs, commission
handicap…) dans les clubs et lors des camps d’été, dans un esprit de partage, responsabilité
de chacun et de tous : chacun veille sur tout le monde et réciproquement.
C’est pourquoi j’ai accepté de participer à ce débat. Comment résister à la judiciarisation, ce
qui sous entend pourquoi y résister sinon en ce qu’elle menace les valeurs précitées.
Ce débat impose, me semble-t-il de faire un état du droit, pour ensuite écarter les fantasmes
et réfléchir aux moyens de préserver nos valeurs fondamentales dans ce contexte.
En premier lieu, il convient de faire le constat de la judiciarisation : après l’inflation législative
dénoncée depuis les années 80 par le conseil d’état, vainement, est venu le temps de la
judiciarisation définie comme la propension à privilégier les recours aux tribunaux pour
trancher des litiges qui pourraient être réglés par d’autres voies (médiation, discussion....).
Notion commentée souvent comme le reflet de la montée d’un individualisme atomiste et
déresponsabilisé exigeant une société sans risque, qui finit par dévorer les institutions
collectives et la notion même de liberté. Ou encore comme le dévoiement de l’attention que
toute démocratie doit accorder aux plus faibles afin de rétablir une égalité des chances, pour
aboutir finalement à une notion appelée « victimisme », la victime devenant aussi médiatique
que politique et elle-même déresponsabilisée, infantilisée (un supermarché récemment
condamné à indemniser le client qui a glissé sur une feuille de salade). On voudrait désormais
autant de lois que de cas spécifiques afin que chaque cas de figure, chaque risque réalisé soit
réparé. Chacun veut revendiquer son droit à réparation, être toujours victime d’un autre. Cette
tendance qui reflète une crise des démocraties, la perte de foi en la loi collective tend à tuer
le collectif au sens strict si l’ami, le partenaire, le client, le patient d’aujourd’hui peut être le
procédurier de demain.
Cette judiciarisation est de ce fait critiquée de toutes part et notamment aux États-Unis où la
charge financière de la gestion du risque judiciaire représente désormais 10 % du PIB. Le
respect scrupuleux des process prennent le pas sur le bon sens : les pompiers ne sont pas
appelés tant que celui qui est mentionné dans le process pour le faire est absent, le prof de
natation doit demander l’autorisation de toucher le nageur pour lui éviter de couler… Cf Philip
K EDWARD « Life Without Lawyers - Restoring Responsibility in America » pour substituer la
responsabilité professionnelle et personnelle à la judiciarisation : la responsabilisation vient
de la confiance des usagers dans l’institution et implique que les personnes s’efforcent de
mériter cette confiance).
Concrètement, en ce qui nous concerne, adhérents de la FSGT, la situation est la suivante: certaines règles sont incontournables, on ne peut pas décider de simplement s’affranchir du
droit parce qu’effectivement le droit moderne à réparation tend à permettre l’indemnisation
des victimes d’accident.
D’où l’obligation d’assurance de l’association et des participants :
Dans la mesure où le sportif a un rôle actif dans cette pratique à risque, l’association ne
garantit pas l’absence d’accident, elle a une obligation de moyen (contrairement à
l’organisateur d’un saut à l’élastique, initiation au parachutisme : le sportif s’en remet
totalement à la vigilance de l’entraîneur)
L’obligation de sécurité diligence et prudence signifie que l’association
En somme l’état du droit actuel colle assez au bon sens et à nos pratiques : pour que chacun
puisse grimper en confiance avec les autres : délivrance de la formation initiale.
Au Mur 20°:
envoi de documents par mails, protocole d’initiation et validation des compétences, dix points
sécurité, notions de base du matériel SAE et problématique du débutant un peu de
psychologie bordel. Puis validation incluant un vol en double assurage.
Former les adhérents qui le souhaitent aux premiers secours peut être intéressant, et dans
chaque club, comme ça se pratique de fait, former certains sur le matériel.
Chacun doit demeurer vigilant sur sa pratique et celle des autres en ce qui concerne
l’assurage.
Bref, la judiciarisation ne doit pas non plus être fantasmée puisque nos pratiques incluant
l’expression des valeurs auxquelles la FSGT est attachée peut et doit continuer telle que,
notamment en ce qui concerne l’ouverture aux autres.
La première urgence est donc de ne pas courir devant la judiciarisation en fantasmant des
interdictions et des risques inexistants : la présidence peut être collégiale,
ni le président ni le bureau ni le référent ne seront personnellement responsables de quoi que
ce soit, au pire ce sera l’assurance (Sauf si elle n’est pas souscrite ce qui est le seul risque
réel). Et le plus simple pour éviter ce qui resterait un mauvais moment, c’est de continuer à
affiner nos pratiques qui collent au bon sens et au souhait de bien faire et de partager telles
que je viens de les décrire.
En ce qui concerne l’affaire Vingrau, décision du 21 janvier 2019 de la cour d'appel de Toulouse, c’est le lobbying qui doit
fonctionner, comme il a fonctionné après 2010 (un arrêt retenait la responsabilité du fait des
choses, et sans faute et menaçait l’organisation des grandes compétitions sportives, le tour du
Mans et autres . Lobbying puis loi du 12 mars 2012 qui a créé un article du code du sport (L 321-
3-1) qui exclut la responsabilité sans faute pour les dommages matériels).
Les articles juridiques de Sport et Plein Air